Il ne suffit pas d’adopter des pratiques agiles pour qu’une entreprise devienne performante et voit son nombre de clients augmenter de façon durable. Mais alors qu’est-ce qui fait qu’une entreprise est agile ou pas ? Steve Denning a listé trois caractéristiques essentielles des organisations agiles, qui les distinguent des bureaucraties pyramidales à l’ancienne et qui font qu’elles sont en meilleure capacité de s’adapter et de répondre aux demandes du marché d’aujourd’hui.
L’Agile est un grand mouvement global qui est en train de transformer le monde du travail. Le mouvement a démarré dans le développement logiciel en 2001 et se propage maintenant partout, dans des organisations de tous types, adoubé en 2016 par la bible du management — le Harvard Business Review — avec son article « Embrasser l’Agile » écrit par Darrell K. Rigby, Jeff Sutherland et Hirakata Takeuchi. Il y a déjà des centaines de milliers de pratiquants de l’Agile partout dans le monde.
Mais qu’est-ce que l’Agile exactement ? Comment est-ce que vous expliquez l’Agile quand il existe plus de quarante variantes de l’Agile comme le montre ce dessin de la designer australienne Lynne Cazaly.
Cette illustration est tirée d’une présentation de Craig Smith.
Que sont toutes ces pratiques agiles ? Il en existe plus de 70 différentes. Rien que le manifeste Agile avec ses quatre valeurs et ses douze principes peut demander un effort cognitif important pour les débutants.
Et comment faites vous donc pour expliquer un tel tourbillon déconcertant d’idées en apparence différentes ?
Pourquoi l’Agile ?
Commencer avec le pourquoi. L’Agile permet aux organisations de faire face au changement perpétuel. Il leur permet de prospérer dans un monde de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu. L’essor de l’Agile est du à la fois à la passion de ceux qui aiment travailler de cette manière et par les organisations qui font une découverte qui leur change la vie : la seule façon de faire face durablement au marché d’aujourd’hui est d’embrasser l’Agile. Les entreprises doivent devenir aussi habiles que le contexte rapidement changeant dans lequel elles évoluent. À l’heure où la gestion de l’informatique est devenue cruciale pour la plupart des activités, l’Agile est le secret du management.
Dans un organisation Agile, les équipes auto-organisées livrent constamment de la valeur aux clients. Parce que le travail est fait de manière itérative avec une interaction continue avec les utilisateurs, l’organisme peut en permanence améliorer ce qu’il fait pour l’utilisateur, plusieurs équipes peuvent travailler ensemble sur de grandes problématiques complexes de manière coordonnée. Lorsque l’Agile est fait correctement, les équipes travaillent au sein d’un business model dans lequel l’organisme génère de la valeur à la fois pour l’organisme et pour le client. Tout — le travail effectué, l’information, l’argent — est fluide au sein du système n’entraînant que peu ou pas de coûts à la marge et des retours massifs à l’échelle.
Avec l’Agile, il s’agit de travailler plus intelligemment, pas plus difficilement. Il ne s’agit pas de travailler plus en moins de temps, il s’agit de générer plus de valeur avec moins de travail.
L’Agile répond à la question centrale du business d’aujourd’hui : comment apporter rapidement, facilement, de la vraie valeur en continu. Bien qu’une telle performance quand elle se produit est le fait de la technologie, elle est guidée par un management Agile. Quand les bureaucraties pyramidales utilisent les technologies numériques, le machine learning, les plate-formes, la blockchain ou l’Internet des objets, elles obtiennent généralement de maigres résultats. Arriver à proposer une véritable expérience client dépasse de loin les capacités d’une bureaucratie renfermée sur elle-même. L’innovation dans les nouvelles technologies menée en interne génère souvent des changements dont les clients ne veulent pas ou qu’il ne sont pas prêts à payer.
Proposer une véritable expérience client demande une collaboration continue entre les silos internes et une interaction avec les clients — ce que les bureaucraties ne font pas bien. Les bureaucraties, avec leur hiérarchie importante, ne peuvent pas non plus bouger assez vite pour profiter des opportunités du marché dès qu’elles se présentent.
Dans un cadre compétitif, ce n’est pas la technologie en elle-même qui fait la différence, puisque toutes les entreprises disposent de la même technologie. Le secret c’est comment l’entreprise utilise la technologie. Ce qui guide une réussite numérique durable c’est l’Agile.
Ça veut dire quoi être Agile ?
Qu’est-ce que ça signifie pour un organisme d’embrasser l’Agile ? Quand je prononce les mots « agile » ou « habile » vous pourriez penser à un écureuil, à un danseur de ballet ou à un grand footballeur. Vous ne penseriez probablement pas à une grosse structure — lente, lourde, peu maniable, qui cherche à faire de l’argent sur votre dos et fondamentalement hostile. Vous n’imaginez pas que les organisations puissent être agiles car généralement elles ne le sont pas. Nous sommes habitués à avoir à faire à des organisations frustrantes car engluées dans leur routine et uniquement préoccupées par leur propre processus interne. Leur devise pourrait être : « Tu prends ce qu’on te donne, c’est comme ça que ça marche ». La possibilité qu’une organisation devient agile et habile n’est alors pas évidente. Et pourtant les visites sur site du Learning Consortium ont montré que de grandes structures agiles existent vraiment.
La vérité c’est que quand on y regarde de plus près, on peut voir que les structures qui ont embrassé l’Agile possèdent trois caractéristiques principales.
1. La loi de la petite équipe
La première caractéristique universelle des organisations agiles c’est la loi de la petite équipe. Ceux qui pratiquent l’Agile partagent un même état d’esprit : le travail devrait en principe être effectué entre petites équipes autonomes et transverses qui travaillent en cycles courts sur des tâches relativement petites tout en ayant des retours en continu du client ou de l’utilisateur final.
Pendant la première décennie du mouvement Agile, l’effort s’est porté sur la compréhension de comment arriver à créer de façon systématique ces équipes ultra-performantes. L’idée des équipes n’était pas nouvelle. La plupart d’entre nous en connaissons les bienfaits. Nous avons tous à un moment ou à un autre fait partie d’une petite équipe dans laquelle on communique naturellement et où on a l’impression que le groupe pense et agit comme une même personne. Quand nous faisons partie d’une telle équipe, nous pouvons analyser un problème, prendre une décision et agir comme si nous décrivions un seul et même mouvement, ininterrompu. Il n’y a personne chargé de nous dire quoi faire. Nous faisons confiance aux autres membres de l’équipe. Cette confiance est récompensée par la performance. C’est comme si le groupe était doué de sa propre conscience. Les conversations de visu règlent les différences de point de vue. Travailler devient un jeu.
Le travail dans la plupart des organisations était très différent au cours du XXe siècle. D’importants systèmes étaient chargés de mettre en application d’importantes stratégies pour écouler de grandes quantités d’un produit standard. Le travail était découpé en tous petits morceaux insignifiants. Les individuels rendaient compte à leurs supérieurs chargés de s’assurer que la performance était régulière et conforme aux spécifications. Le supérieur du supérieur faisait la même chose et ainsi de suite, jusqu’en haut de la chaîne. Les plans et les budgets étaient décidés et alloués, secteur par secteur. Le rapport entre une quelconque partie du travail et son impact sur le client était souvent masqué par d’immenses systèmes focalisés sur ce qui se passait au sein de l’entreprise. Le résultat ? Seul un travailleur sur cinq est totalement impliqué dans son travail et encore moins sont vraiment passionnés — une catastrophe pour les entreprises qui dépendent de plus en plus de la motivation de la force de travail.
Tout au long du XXe siècle, de nombreux écrits ont suggérés que travailler en petite équipe permettrait de mieux faire le job. Ça a commencé avec Mary Parker Follett dans les années 20 puis ça a continué avec Elton Mayo et Chester Barnard dans les années 30, Abraham Maslow dans les années 40, Douglas McGregor dans les années 60, Peters and Waterman dans les années 80 jusqu’à Smith et Katzenbach dans les années 90.
Pourtant la majorité des organisations continuaient de s’entêter dans cette bureaucratie. Une des raisons à cela était la croyance très répandue chez les dirigeants que les équipes n’étaient pas assez disciplinées pour être efficaces et performantes sur le long terme : elles étaient capables de résoudre ponctuellement des problèmes complexes, mais pour le travail ordinaire dans un grand organisme, il était plus sage et plus conventionnel de penser que la bureaucratie donnait de meilleurs résultats.
Une autre raison à cela était que la plupart des équipes au XXe siècle n’en avaient que le nom. La plupart n’étaient pas du tout de vraies équipes. Le chef d’équipe se comportait comme n’importe quel autre supérieur d’une bureaucratie.
Les vraies équipes auto-organisées qui parvenaient à être réellement très performantes étaient très rares. Les rapports à propos du travail d’équipe ont souvent parlé d’équipes de haut niveau — des équipes que n’étaient pas juste 10 ou 20% meilleures, mais deux, trois voire dix fois meilleures — et laissaient supposer que c’était une question de chance. Les étoiles devaient être bien alignées. Il fallait rassembler les bonnes personnes. Il fallait que le courant passe bien. Le contexte devait être propice. Il n’était pas possible de le prévoir ou de le provoquer. Vous pouviez l’encourager. Mais au final c’était un heureux hasard.
C’est l’Agile qui a déterminé comment donner naissance à des équipes ultra-performantes. S’il y avait un prix Nobel pour le management, ce qui n’est pas le cas, et s’il y avait un peu de justice en ce monde, ce qui n’est pas le cas, les instigateurs de l’Agile recevraient le prix Nobel pour le management.
C’est une avancée majeure, plutôt bien admise dans le monde du développement logiciel, toutefois elle n’est toujours pas comprise ou reconnue par les directions générales.
2. La loi du client
La seconde caractéristique des organisations agiles c’est la loi du client. Les agilistes sont obsédés par l’apport de valeur aux clients. L’importance capitale du client est reconnue dans le premier principe du manifeste Agile. Mais il faut reconnaître que pendant la première décennie du mouvement Agile, se focaliser sur le client n’était pas la première préoccupation des développeurs de logiciel, l’attention s’est surtout portée sur le fait d’essayer d’acquérir les caractéristiques d’une équipe ultra-performante. Pendant cette période, les équipes n’avaient que peu de contact avec le véritable client. Le client était plutôt représenté par un proxy qu’on a appelé le « product owner » et qui connaissait mystérieusement les exigences des clients.
Une fois que l’Agile a réussi à résoudre le problème de la création constante d’équipes très performantes, l’attention a pu se porter sur le revirement de situation sur le marché de la passation de pouvoir du vendeur à l’acheteur. Qui étaient ces product owners ? Et comment savaient-ils ce que voulaient les clients ? La question devenait urgente, car en vertu de la loi du client, soudainement, sans une explication, de façon terrifiante, à la grande surprise des organisation du XXe siècle, le client est devenu roi. La mondialisation, la dérégulation et les nouvelles technologies, et en particulier Internet, ont permis aux consommateurs d’avoir du choix, des informations fiables sur ces choix et la possibilité d’interagir avec les autres consommateurs. Le client s’est retrouvé tout à coup en position de force et s’attendait à une valeur immédiate, personnalisée et sans encombres.
Les entreprises ont alors du envisager la relation client différemment. Les entreprises du XXe siècle s’étaient habituées au fait qu’elles pouvaient exploiter et manipuler les consommateurs. Si un consommateur n’aimait pas ce qu’elles offraient, l’entreprise répondait : « Nous entendons ce que vous dites, mais c’est notre offre. Nous envisagerons l’introduction de changements dans notre prochain modèle, d’ici quelques années ». Sur le marché plus compétitif d’aujourd’hui, où les clients s’attendent en permanence à une réactivité immédiate, personnalisée et sans encombres, cette approche est souvent moins efficace. Le client se dit : « Pourquoi attendre encore quelques années ? Si vous ne voulez pas résoudre mon problème, je vais trouver quelqu’un qui le fera à votre place ».
La primauté du client est à la fois l’aspect le plus évident et le plus difficile à appréhender pour l’Agile. Une des raisons pour lesquelles c’est difficile à comprendre est que les directions du XXe siècle avait appris à réciter des phrases comme « le client est roi », alors qu’elles continuaient à gérer l’organisation comme une bureaucratie focalisée sur le fonctionnement interne et la livraison de valeur aux actionnaires.
Ce n’est pas que ces organisations bureaucratiques ignorent le client. Elles font ce qu’elles peuvent pour le client — mais seulement dans la limite des contraintes de leurs systèmes et de leurs processus internes. Ces entreprises peuvent prétendre qu’elles sont focalisées sur leurs clients mais l’information dont elles ont besoin pour répondre à des questions toutes simples de leurs clients est enfouie dans différents systèmes qui ne communiquent pas entre eux, ou alors s’il faut effectuer une coupe dans le service client pour atteindre les objectifs du trimestre, alors tant pis pour le client. Le client est laissé pour compte. Dans une bureaucratie pyramidale, « le client est roi » est juste un slogan : l’organisation, les processus et les objectifs internes ont la priorité.
Dans une organisation Agile, le « focus client » revet une toute autre signification. Dans les organisation vraiment agiles, tout le monde est passionnément obsédé par l’apport de valeur aux clients. Chaque personne de l’organisation a une vision très claire du client final et peut se rendre compte si son travail apporte ou non de la valeur au client. Si leur travail n’apporte pas de valeur à un client ou à un utilisateur, alors la question du sens même de ce travail est immédiatement posée. L’entreprise ajuste tout - les objectifs, les valeurs, les principes, les processus, les systèmes, les pratiques, les structures de données, les primes — pour générer continuellement une valeur nouvelle pour les clients et éliminer impitoyablement tout ce qui n’y contribue pas.
3. La loi du réseau
La troisième caractéristique c’est la loi du réseau. Ceux qui pratiquent l’Agile voient l’organisation comme un réseau fluide et transparent d’acteurs qui œuvrent tous à un même objectif, celui de satisfaire les clients.
Pendant les premières années du mouvement Agile, il était communément admis que si vous parveniez à avoir des équipes ultra-performantes, alors l’organisme était « Agile ». Cela s’est révélé ne pas être vrai. Il ne suffit pas d’avoir des équipes agiles focalisées sur l’apport supplémentaire de valeur au client si le reste de l’organisation continue d’être géré comme une bureaucratie pyramidale focalisée sur les coupes budgétaires ou la montée du cours de l’action. La dynamique descendante sape et finit par tuer les équipes Agile lorsqu’elle est systématique.
De plus lorsque des équipes agiles existent au sein d’une bureaucratie, la collaboration entre les équipes peut se révéler aussi problématique que celle entre silos dans une bureaucratie.
C’est un problème général, même dans les organisations qui embrassent activement l’Agile au niveau des équipes. Les sondages que nous avons effectué dans la Scrum Alliance ont révélé qu’entre 80% et 90% des équipes agiles ressentent une tension entre la façon dont est gérée l’équipe agile et la façon dont est géré l’organisme. Dans la moitié des cas, cette tension est qualifiée de « grave ».
La loi du réseau est la nouvelle frontière du mouvement Agile — comment rendre toute l’organisation agile. C’est un problème difficile à résoudre car l’Agile représente un concept radicalement différent d’une organisation. Au milieu du XXe siècle le management imagine une entreprise comme une machine efficace et tournant à plein régime pour exploiter son business model existant. « La croyance traditionnelle, celle qu’on enseigne dans les écoles de commerce ou le MBA » comme l’écrivent dans leur livre How Google Works les dirigeants de Google Eric Schmidt et Johnathan Rosenberg, « vous demande de construire un avantage compétitif durable sur vos concurrents puis de fermer les portes du château-fort et de le défendre avec de l’huile bouillante et des flèches enflammées. »
Le château est dirigé par un seigneur, en partant du principe que c’est le seigneur s’y connait le mieux. Le château est « construit de manière à minimiser les risques et à faire en sorte que les gens restent bien à leur place, ne sortent pas de leurs silos », écrit John Kotter professeur en école de commerce. Les gens « travaillent dans un système conçu pour mener à bien les tâches du jour — un système qui demande, gentiment la plupart du temps, à la majorité des salariés de se taire, d’exécuter le ordres et de faire leur travail de manière répétitive ». L’exploitation du modèle d’affaire existant prend le pas sur l’exploration de nouvelles possibilités.
Au cours des dernières décennies de nombreuses expériences ont été menées afin de réduire la caractère statique de l’organisation, y compris des groupes de travail, des groupes dédiés à un projet, les départements stratégiques, les regroupements d’experts, les Skunk Works, les départements de R&D, les doubles systèmes, les entonnoirs de connaissance, le design thinking, etc. Mais ce n’était que des accommodements d’une seule et même conception de l’organisation, vue comme une usine statique qui doit rendre des comptes au niveau supérieur de la pyramide. Les grands chefs continuent de nommer des petits chefs, et ainsi de suite jusqu’à la base. L’organisation continuer d’opérer comme un vaisseau de guerre géant - grand et efficace mais lent et difficile à manœuvrer.
Au contraire, quand l’organisation entière embrasse vraiment l’Agile, l’organisation ressemble moins à un vaisseau de guerre qu’à une flotte de petit hors-bords. Au lieu d’être une machine à état fixe, l’organisation est un réseau organique vivant d’équipes ultra-performantes. Dans ces organisations, les managers reconnaissent que la compétence est éparpillée un peu partout dans l’organisation et que l’innovation peut venir de partout. L’organisation entière, y compris la direction, est obsédée par le fait d’apporter toujours plus de valeur aux clients. Les équipes agiles prennent des initiatives de leur propre chef et interagissent avec les autres équipes agiles pour résoudre des problèmes communs. En effet, tout l’organisme se voit de la même manière : une entité qui fonctionne comme un réseau d’équipes ultra-performantes.
Surprise : les organisations agiles sont hiérarchiques !
Une des incompréhensions habituelles est que les organisations agiles sont nécessairement plates et non-hiérarchiques. Dans les organisations agiles, c’est toujours à la direction générale que revient la responsabilité d’indiquer la direction à suivre. Les gens se font toujours licencier s’ils ne font pas leur travail. Au contraire, la recherche de la haute performance est encore plus impitoyable dans une organisation Agile que dans une bureaucratie. Dans les failles et les recoins d’une bureaucratie, ceux qui ne sont pas très performants peuvent facilement passer inaperçu. Dans une organisation Agile, la transparence radicale permet une responsabilité pair à pair.
Toutefois la hiérarchie d’une organisation Agile est très différente de la hiérarchie d’une bureaucratie. C’est une hiérarchie de compétence, pas une hiérarchie d’autorité. L’important n’est pas de savoir si vous avez fait plaisir à votre supérieur mais si vous avez ajouté de la valeur pour votre client. L’organisation communique de manière interactive à la fois horizontalement et verticalement. Tout le monde peut parler à n’importe qui. Les idées viennent de n’importe où, y compris des clients. En tant que réseau, l’organisation devient un organisme vivant qui s’adapte, qui apprend, qui grandit dans un flux constant, capable d’exploiter les nouvelles opportunités et d’ajouter de la valeur aux clients. Correctement appliqué, l’apport constant de valeur aux clients à moindre effort se matérialise par de généreux retours à l’organisation qui le fournit.
Ainsi l’Agile tire profit de la distinction entre exploitation et exploration. Toutes les parties de l’organisation sont continuellement en train de chercher comment apporter plus de valeurs aux clients.
Pendant les premières années de l’Agile, les mauvaises langues disaient que les petites équipes ne pourraient jamais résoudre de grands problèmes complexes. Il s’est avéré qu’une fois les équipes intégrées dans un réseau nourri par les conversations horizontales focalisées sur un objectif commun et suivant la cadence générale, les réseaux de petites équipes peuvent alors résoudre de grands problèmes complexes avec la même agilité que celle des petites équipes - et bien mieux qu’une bureaucratie.
Une mentalité de management différente
Ces trois lois — une : de petites équipes qui travaillent sur de petites tâches en cycles de travail itératif apportant de la valeur aux clients, deux : une obsession d’apport continu de davantage de valeur pour les client et trois : un travail coordonné dans un réseau interactif — sont les trois mêmes principes qui permettent à Spotify de fournir des playlists de musique personnalisée à plus de cent millions d’utilisateurs chaque semaine et à Barclays de commencer à devenir une banque Agile qui peut proposer des services bancaires à grande échelle, simples, rapides et pratiques.
Quand ces trois lois - la loi de la petite équipe, la loi du client et la loi du réseau - sont appliquées, les personnes au sein de l’organisation partagent toutes une compréhension différente de la façon dont le monde marche et de comment interagir avec le monde pour faire avancer les choses.
Pour le manager traditionnel qui découvre l’Agile pour la première fois, les idées contre-intuitives abondent. Les managers découvrent qu’ils ne peuvent pas dire aux gens quoi faire. Les entreprises gagnent plus d’argent quand elles ne sont pas focalisées sur le fait de gagner de l’argent. S’attaquer à de gros problèmes demande de construire de toutes petites équipes. Le contrôle est accru par le lâcher-prise du contrôle. Les dirigeants sont plus des curateurs ou des jardiniers que d’ héroïques guerriers vainqueurs.
Quand les managers traditionnels entrent dans une organisation Agile où ces paradoxes apparents sont la norme, ils sont comme des voyageurs qui visitent un pays étranger singulier où tout est différent : oui peut vouloir dire non, personne ne paie le même prix et un rire peut signifier la colère. Les indices familiers qui permettent aux voyageurs d’opérer dans leur patrie d’origine sont absents. À leur place, il y a de nouveaux indices qui sont bizarres et incompréhensibles. Cela peut engendrer de la perplexité, de la frustration et une incapacité à faire le deuil. Tant que les voyageurs ne comprendront pas ce qu’il se passe, ne se familiariseront pas avec les nouvelles coutumes de ce pays si différent et ne finissent par les intégrer dans leur comportement, ils se retrouveront désorientés et incompétents dans cet environnement différent.
C’est pour ça que l’Agile ne peut être mise en œuvre selon les hypothèses actuelles des pratiques de gestion. Devenir Agile veut dire embrasser des hypothèses fondamentalement différentes. Pour les managers traditionnels, le processus est souvent douloureux. Ce n’est pas simple. Au début, c’est contre-intuitif. C’est comme apprendre une langue étrangère un peu bizarre. Ce n’est qu’avec le temps, de la pratique et une vraie expérience que l’Agile deviendra une seconde nature, un automatisme. Il ne s’agit pas de « faire de l’Agile ». Il s’agit « d’être Agile ».
En définitive, l’Agile c’est l’adoption d’une mentalité différente. L’importance de la mentalité Agile fut frappante lors de la visite du site du Learning Consortium.
Quand les personnes dans l’organisation avaient le bon état d’esprit, peu importe les outils, les processus et les pratiques qu’ils utilisaient, la mentalité Agile faisait que les choses se passaient bien. À l’inverse, s’ils n’avaient pas la mentalité Agile, peu importe qu’ils aient mis en œuvre chaque outil, chaque process, chaque pratique dans les règles de l’art, aucun bénéfice n’en découle. L’Agile est un état d’esprit.
Les trois lois de L’agile
L’Agile est donc régi par trois lois - la loi des petites équipes, la loi du client et la loi du réseau. Ensemble elles génèrent les bases d’une organisation Agile. Ces trois lois nous permettent de déchiffrer la myriade de pratiques agiles qui s’appliquent ou pas dans un contexte particulier. Les pratiques peuvent changer mais l’esprit Agile qui applique les trois lois demeure. Elles offrent un cadre durable pour l’implication d’une organisation qui devient Agile.
Des trois lois, la première - la notion que le travail devrait être en principe réalisé en petites équipes travaillant en cycles courts - est la plus connue dans le monde Agile car c’est celle qui a reçut le plus d’attention de la part des premiers développeurs logiciels agiles.
Mais c’est la deuxième - l’idée que le but même d’une entreprise est de fournir de la valeur au client — qui est la plus importante, car c’est ce principe qui donne du sens aux deux autres et qui permet d’avoir le meilleur aperçu de pourquoi une organisation Agile fonctionne de la façon dont elle le fait.
Et pourtant le pivot de l’Agile c’est vraiment le troisième principe, l’impact des équipes très performantes et le focus sur le client ne donneront pas de bons résultats tant que toute l’organisation n’opèrera pas comme un réseau interactif. C’est seulement lorsque ces trois éléments sont réunis et se concentrent sur un objectif externe commun que nous obtenons une forte augmentation de valeur qui résulte du fait d’une véritable adoption de l’Agile.